Yellow collection # 03 22 janvier 2021/10 mars 2022
espace Vallès, Saint Martin d'Hères, Isère
Place au jaune : Avec "yellow collection" l'espace Vallès ne nous trompe pas sur la marchandise : l'artiste Roland Orépük y expose une série de tableaux dont la géométrie minimale est intégralement construite à partir d'aplats jaunes.
Le peintre Pierre Bonnard disait "on ne met jamais trop jaune" il semblerait bien que l'artiste l'ait pris au pied de la lettre puisque non seulement il en met beaucoup (du jaune) mais en plus il ne met que ça - par endroits seulement, restent quelques zones d'une blancheur éclatante. Posé en aplats uniformes, ce jaune joue de toutes les manières possibles avec la toile sur laquelle il est apposé. Par ailleurs, intégrés aux compositions, toutes sortes d'instruments de mesure et de construction (des règles, des équerres, des mètres, des fils à plomb...) viennent interagir avec ce débordement monochromatique et le contraignent de manière parfois assez amusante. En effet en dépit d'une approche conceptuelle dont la mise en forme minimale peut paraître parfois austère, la pratique d'Orépük est sous-tendue par l'idée que la création est un jeu. Un jeu qui se joue à partir des éléments de vocabulaire propre à la peinture de chevalet : la toile, le châssis, la couleur. À cela, Orépük adjoint donc les différents outils évoqués plus haut, affirmant ainsi à quel point la peinture est avant tout pour lui un art de la construction même s'il lui arrive de démonter ses toiles : il les scie, les retourne, les emboite, les fend à coup de cutter... On pense alors à Fontana, mais aussi au groupe Supports/Surfaces et à tous les artistes de la seconde moitié du XXe siècle qui ont disséqué la peinture dont on avait annoncé un peu prématurément la mort. Les premières décennies du XXIe siècle nous ont prouvé qu'il n'en était rien, une nouvelle génération d'artistes semblait résolue à ne pas célébrer l'oraison funèbre de ce médium... Orépük lui est resté attaché à la tradition formaliste de la fin du siècle dernier.
Benjamin Bardinet